Aux origines de la Résistance italienne : histoire, chronologie et destins croisés

La Résistance italienne (Resistenza)

La Résistance italienne (Resistenza) n’est pas née du jour au lendemain. Ses racines plongent dans les années 1920, quand l’Italie bascule dans la dictature fasciste sous Benito Mussolini. Opposants, intellectuels, ouvriers et paysans vont former, au fil du temps, le terreau de ce vaste mouvement qui explosera véritablement en 1943.
Parmi ces visages, une famille de la région de Vérone incarne à elle seule les drames et les espoirs de cette lutte : les Stoppele, de Sant’Andrea di Badia Calavena.


La montée du fascisme et les premiers exils (1922-1930)

En octobre 1922, Mussolini prend le pouvoir avec la Marche sur Rome. Très vite, les libertés sont étouffées : presse muselée, partis dissous, syndicats interdits. Ceux qui osent résister risquent la prison, l’exil… ou pire.
Des milliers d’Italiens choisissent de fuir vers la France, la Suisse ou les États-Unis. Mais d’autres, enracinés dans leurs villages, restent et subissent directement la chape de plomb fasciste.

C’est le cas de Palmino Stoppele, aubergiste à Sant’Andrea di Badia Calavena. Autour de lui, le fascisme s’installe dans les campagnes de Vénétie. Palmino et sa famille refusent de plier : sa maison et son auberge La Colomba deviennent peu à peu un point de rencontre pour ceux qui ne veulent pas se soumettre.


L’antifascisme dans l’ombre (1930-1940)

Dans les années 1930, les opposants s’organisent dans la clandestinité. À l’étranger, naissent des mouvements structurés :

  • Giustizia e Libertà, fondé par Carlo Rosselli (assassiné en 1937 avec son frère Nello).
  • Les réseaux communistes et socialistes, traqués mais actifs.

À Badia Calavena, Palmino transmet à ses enfants le goût de la liberté. Son fils Silvino, brillant étudiant, obtient son diplôme de médecin en 1944. Sa fille Maria, jeune et volontaire, développe un tempérament rebelle. Tous deux vont bientôt basculer dans la Résistance.


Carlo Rosselli

1943 : le tournant décisif

Le 25 juillet 1943, Mussolini est destitué. Mais après l’armistice du 8 septembre, l’armée allemande occupe le Nord de l’Italie et Mussolini fonde la République sociale italienne (RSI). La Résistance armée s’organise alors :

  • Les Brigate Garibaldi (communistes).
  • Les formations de Giustizia e Libertà (socialistes et libéraux).
  • Des groupes catholiques liés à la Démocratie chrétienne.
  • D’anciens militaires restés fidèles au roi.

Dans la Vénétie, Palmino, Silvino et Maria s’engagent. L’auberge familiale devient un refuge pour les résistants et même pour certains parachutistes alliés. Silvino soigne des partisans blessés. Maria, qui prendra bientôt le nom de guerre « Kira », devient messagère et passeuse.


Le drame du 12 septembre 1944

La répression fasciste ne tarde pas. Le 12 septembre 1944, une dénonciation conduit les SS et les milices fascistes jusqu’à la maison des Stoppele.
Palmino et son fils Silvino sont arrêtés, torturés pendant quatre jours, puis exécutés à Sant’Andrea pour avoir aidé la Résistance. Silvino avait seulement 25 ans et n’était médecin que depuis trois mois. Son père en avait 56.

Maria, elle aussi arrêtée, est envoyée à la caserne de Montorio. Destinée à être déportée en Allemagne, elle parvient à s’évader lors d’un bombardement allié.

 Brigata Matteotti à Milan

Maria « Kira », la résistante

Loin d’abandonner, Maria rejoint la lutte armée. Elle intègre d’abord la Brigata Pasubio, puis la Brigata Matteotti à Milan. Ses missions de renseignement et de logistique en font une figure respectée.
Le destin lui réserve même une place dans un moment-clé de l’Histoire : Maria « Kira » est présente lors de la capture de Benito Mussolini et de Claretta Petacci en avril 1945, sur les rives du lac de Côme.

Après la guerre, son courage est reconnu : elle reçoit la Médaille d’argent al Valor Militare, l’une des plus hautes distinctions italiennes.


La victoire de la Résistance (1944-1945)

Le 25 avril 1945, les grandes villes du Nord (Milan, Turin, Gênes) se soulèvent. Les nazis et les fascistes capitulent. La Résistance italienne, au prix de dizaines de milliers de morts, a joué un rôle décisif dans la libération.

Pour les familles comme les Stoppele, la victoire est teintée de douleur : Palmino et Silvino n’ont pas vu ce jour. Mais leur sacrifice et l’engagement de Maria ont incarné la dignité et la justice pour une Italie nouvelle.


Héritage et mémoire

Aujourd’hui, à Badia Calavena et dans la région de Vérone, des plaques commémoratives rappellent le destin de Palmino, Silvino et Maria Stoppele. Leur histoire est celle d’une famille simple, brisée par la barbarie fasciste mais debout dans la mémoire collective.
La Résistance italienne ne fut pas seulement une lutte militaire : elle fut aussi une lutte de familles, de villages, de femmes et d’hommes qui refusèrent la peur et choisirent la liberté.

À Vérone, l’ANPI poursuit inlassablement son travail de mémoire, rappelant que la liberté dont jouit l’Italie aujourd’hui est le fruit du sacrifice de ceux qui, dans la Résistance, ont osé s’opposer au fascisme et au nazisme. À travers commémorations, rencontres avec les jeunes et sauvegarde des témoignages, l’association des partisans garde vivante une histoire souvent menacée par l’oubli ou le révisionnisme. Plus qu’une simple organisation historique, l’ANPI Verona s’affirme comme une vigie citoyenne, veillant à transmettre les valeurs de justice, d’égalité et de démocratie qui forment le socle de la Constitution italienne.

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